« La synchronicité est une réalité toujours présente pour ceux qui ont des yeux pour voir. »

— Carl Gustav Jung

Il n’y a pas de hasard. Ou, du moins, certains événements semblent orchestrés par une force invisible, un sens profond caché sous l’apparente coïncidence.

Carl Gustav Jung, père de la psychologie analytique, a nommé ce phénomène synchronicité : une rencontre mystérieuse entre le monde intérieur et les événements extérieurs, liés non pas par la cause, mais par le sens.

Une définition jungienne

Jung définit la synchronicité comme :

« l’occurrence simultanée d’un état psychique et d’un événement objectif correspondant, sans relation causale apparente, mais unis par le sens. »

C’est une forme de “message codé”, un clin d’œil de l’univers, où la psyché et la matière semblent entrer en résonance.

Ce n’est pas une magie. Ce n’est pas non plus une superstition. C’est un pont symbolique entre deux mondes : l’intérieur et l’extérieur.

Le scarabée doré : Une histoire vraie

L’un des exemples les plus célèbres vient d’une séance clinique. Une patiente, enfermée dans son rationalisme, raconte un rêve où apparaît un scarabée doré – symbole ancien de transformation et de renaissance.

À cet instant précis, un insecte frappe à la fenêtre du cabinet. Jung ouvre : un scarabaeid, l’équivalent vivant du scarabée du rêve, entre dans la pièce.

Ce moment, vécu dans le réel, brise la cuirasse intellectuelle de la patiente. Quelque chose s’ouvre. Le symbole devient vivant. L’âme respire.

Jung et Pauli : psyché et physique se rencontrent

Le concept de synchronicité ne s’est pas développé seul. Dans les années 1930-1950, Jung collabore étroitement avec Wolfgang Pauli, physicien et prix Nobel.

Ensemble, ils explorent les mystères de la connexion acausale entre psyché et matière dans l’ouvrage “La Nature et la Psyché” (1952). Leur intuition ? Il existerait un ordre caché, un principe d’unité entre le monde de l’âme et celui de la science.

Une origine étymologique révélatrice

Le mot synchronicité vient du grec :

  • syn- : avec, ensemble
  • chronos : le temps

Jung parle de “coïncidence dans le temps”, mais avec une signification psychique, symbolique, existentielle. Un moment où le monde nous répond.

Les archétypes en action

Pour Jung, la synchronicité s’appuie sur la dynamique de l’inconscient collectif : un réservoir d’images et de symboles partagés par toute l’humanité.

Lorsque l’inconscient personnel entre en résonance avec ces archétypes universels, le monde extérieur semble refléter cet écho. Une image intérieure devient un événement extérieur, un rêve devient réalité, une pensée secrète rencontre son symbole dans le monde.

Une autre histoire : le renard

Jung rapporte aussi cette anecdote : un patient lui raconte un rêve d’enfance impliquant un renard spectral. Tandis qu’ils marchent, un vrai renard traverse soudain le chemin.

Ce n’est pas la rareté du renard qui importe. C’est le moment, la concordance psychique, le choc intérieur provoqué par cette résonance.

La synchronicité, ce n’est pas de la magie

Contrairement à une pensée magique ou superstitieuse, la synchronicité ne cherche pas une cause cachée. Elle est acausale, mais pleine de sens.

« Le symbolique remplace ici le causal. »

Jung reconnaissait que les sceptiques y verraient une illusion statistique. Mais ce qui compte, ce n’est pas la preuve – c’est l’effet psychologique, souvent transformateur.

I Ching, Taoïsme et Pensée Orientale

Fasciné par la sagesse chinoise, Jung voyait dans le I Ching (ou Yi Jing) une pratique synchronistique avant la lettre.

On y tire des hexagrammes au hasard, et on interprète. Ce n’est pas de la divination au sens magique, mais une écoute active du présent, une lecture symbolique du moment.

Jung lui-même utilisait parfois le I Ching dans sa pratique, non pour prédire l’avenir, mais pour entrer en dialogue avec le présent profond.

Un appel au réenchantement du réel

À travers la synchronicité, Jung nous invite à regarder autrement le monde.

Chaque rencontre, chaque image, chaque “hasard” peut contenir un sens caché, une voix symbolique. Ces coïncidences ne sont pas des preuves, mais des révélations intimes.

La synchronicité : une alchimie intérieure

Ces événements surviennent souvent dans des moments critiques : crise existentielle, deuil, transition. Ils marquent un tournant psychique.

Ils appellent à l’individuation – ce processus de rencontre avec le Soi, que Jung décrit comme le but profond de la vie humaine.

Conclusion : et si ce n’était pas un hasard ?

Peut-être est-ce une coïncidence que vous soyez tombé sur cet article.

Ou peut-être est-ce une synchronicité.

Un appel du réel. Une invitation à voir au-delà.
À écouter, en vous, ce qui veut émerger.

« Quand les coïncidences s’accumulent ainsi, on ne peut que se laisser impressionner — car plus elles sont nombreuses ou insolites, plus leur improbabilité devient frappante. »
— C.G. Jung